Il n’y a pas si longtemps, quelques semaines encore, j'étais une jeune femme pleine de vie, souriante, joyeuse, qui aimait vivre, faire pleins de choses. Dynamique, toujours montée sur un ressors, j'allais d'activités en activités, toujours prête à rire, toujours disposée à m'amuser. Seulement depuis toute cette histoire, je me suis renfermée sur moi-même, allant même jusqu'à me teindre les cheveux. Cette initiative ne fut pas au goût de toute ma famille mais changer me faisait du bien. Il fallait que j'efface toute trace de la pauvre fille qui s'était faite bernée par un parfait manipulateur. Il y a encore quelques semaines, j'étais amoureuse, enchantée, transportée. Aujourd'hui, je ne fais confiance à personne, tout le monde pour moi est suspect. Devenue paranoïaque, je ne peux même pas faire confiance en ma famille depuis la fuite de ma jeune sœur. Une ombre de moi-même, un fantôme. Pourtant je me suis reprise, et pas forcément dans le bon sens. Mes jeux étaient amusants, ils sont aujourd'hui redoutables. Hors de question de me laisser faire encore une fois. Caractérielle, je le suis devenue un peu trop, méfiante et distante sont devenus mes principaux traits. Pourtant, je suis si différente de l'intérieur. On m'a souvent dit que j'étais pleine de bonté, que j'étais d'une gentillesse sans faille et que j'étais trop gentille avec les humains que l'on gouvernait. Aujourd'hui, rien n'est plus pareil, je deviens plus garce, plus ou moins prête à affirmer mon autorité quand je le peux. Pourtant je continus de m'amuser, je tente d'oublier, de rire de tout, de rire de moi. Mais les blessures sont trop proches, cette histoire reste gravée en moi. Elle est la responsable de ce que je suis devenue. Pourtant sociable, je peux parler à n'importe qui, faire croire à tout le monde que je lui fais confiance, que je suis à l'aise avec eux. Une façade, un jeu d'actrice que j'ai appris à jouer. J'ai des amies, mais ma confiance envers les hommes a été rudement mise à mal, tout comme ma capacité à donner un pouvoir. Ce que je me refuse aujourd'hui à faire. Personne n'héritera plus de mon pouvoir, seul ce traître le possède et il est déjà douloureux de le savoir. Pour pallier à ma tristesse et tenter d'oublier, le mot hyperactivité n'est plus approprié. Je suis devenue trop active. J'ai commencé à pratiquer des sports différents et notamment de combats. Parce que mon pouvoir seul ne me suffit pas à me défouler. J’exerce toujours mon métier avec dynamisme, je compte bien travailler deux fois plus. Je me suis lancée dans la photographie pour graver les images qui me marquent au quotidien et la nuit, au lieu de rentrer chez moi et de dormir paisiblement, j'en profite pour me mêler au peuple, servant dans un bar comme une simple employée. Mes patrons savent qui je suis et ce que je peux faire, c'est la raison pour laquelle ils m'ont engagé. J'en profite pour voir du monde et martyriser à l'occasion les humains, ceux qui se comportent de manière indécente, les ivrognes qui ne tiennent plus sur leurs pieds, les petits malins qui croient qu'ils peuvent emmener n'importe qui dans un coin de la rue. Je fais ma propre justice dans ce bar la nuit. Je dors aujourd'hui très peu, je n'en ai plus besoin, le sommeil m'entraîne dans des cauchemars. Fragile, je le suis, désorientée est devenue mon mot d'ordre. Je ne sais plus ce que je fais, j'ai perdu mes repères. Je suis devenue la petite dernière de la famille, ma sœur n'est plus là, celui que je pensais aimer m'a trompé. Je suis devenue instable et manipulatrice. Derrière mes airs de dure à cuire qui affronte les difficultés, je reste une jeune femme qui cherche une bouée, quelque chose à quoi s'accrocher pour relever la tête. Et la découverte d'un nouvel évènement ne va en rien faciliter les choses.

L'enfance Keynes, beaucoup la connaissent. Une enfance riche. Troisième arrivée dans cette famille, la petite Heaven Lynn fut rapidement choyée et couvée par ses ainés, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Petite fille souriante et toujours en train de rire, elle donnait beaucoup de joie dans la famille. En grandissant près de son frère et de sa sœur mais aussi de ses cousins, dont l'un d'eux avait le même âge qu'elle, la jeune Heaven se sentit très vite protégée. Et l'arrivée d'une petite sœur ne la dérangea absolument pas, elle allait enfin pouvoir jouer avec quelqu'un de plus jeune et faire la grande comme ses ainés le faisaient avec elle.

La suite, il est aisé de le deviner. Quand on a des parents riches, on en paye les conséquences. Un père absent qui rentrait tard du travail, qui s'absentait pour des soirées importantes, qui ne prenait plus le temps de serrer ses enfants dans ses bras. Un homme sévère et autoritaire lorsqu'il était présent. Heaven en eut toujours un peu peur étant enfant. Elle n'aimait pas l'autorité paternelle et lui préférait cent fois celle de sa mère. Femme pourtant aux allures sévères, elle restait aimante envers ses enfants. Ce qu'Heaven appréciait beaucoup plus.

Mais l'enfance n'est pas vraiment la partie la plus intéressante de l'histoire de la jeune Keynes. Parce que finalement, ils sont sept à partager la même. La découverte de son pouvoir se fit à l'âge de 12 ans. Alors qu'elle tentait vainement de récupérer le collier que sa sœur lui avait dérobé, elle réussit à le faire voler jusqu'à elle, comme s'il était attiré par sa main. Un exploit qui fit le tour de la famille. Heaven avait donc le pouvoir de contrôler mais aussi, plus tard, de créer le métal, un puissant élément que l'on retrouvait quasiment de partout. Elle apprit à le contrôler, avec l'aide de sa mère et de son frère. Puis plus tard, elle parvint enfin à le créer. Alors qu’elle entrait au lycée et qu’elle s’affirmait enfin en tant qu’adolescente. Et pourtant, elle devait conserver le secret de son pouvoir, agir comme n’importe quelle jeune fille de son âge. Il n’était pas difficile pour elle de le faire, elle avait toujours su mentir avec talent. Son premier amour, sa première déception, sa première cuite. Elle fit beaucoup de choses durant cette période, narguant ses parents trop absents. Elle avait envie de vivre une vie normale, consciente que si quelqu’un découvrait sa faculté, elle serait rejetée. Pompom girl à l’époque, elle était également populaire et appréciée. Son physique de rêve en faisait une personne convoitée qui pourtant, ne se laissait pas faire facilement. Loin d’être une écervelée cependant, elle gravit les classes avec aisance, obtenant son diplôme avec un an d’avance sur tout le monde.

Le choix de son orientation se fit pourtant plus difficile. L’histoire, l’archéologie, le journalisme… tout semblait plaire et passionner notre jeune Keynes. Elle allait de choix en choix sans réellement se décider véritablement. Elle changeait d’avis chaque jour si bien qu’à la rentrée universitaire, elle ne savait toujours pas ce qu’elle allait faire. Elle prit donc une année pour étudier la photographie. Une passion pour elle mais surtout un passe-temps. Son avance lui permit ce caprice puisqu’elle s’arrêta après l’obtention de son année. Ainsi instruite de sa passion, elle pouvait envisager le monde réel et entama des études de stylisme. Depuis sa plus tendre enfance, Heaven se découvrit un talent pour le dessin et les images pour de nouveaux vêtements se faisaient chaque jour dans son esprit. Elle avait une imagination débordante, un talent certain.

Arrivée au bout de ses études, trois ans auparavant, elle décida de se faire engager dans une boutique en tant que simple vendeuse. Elle arrivait à transmettre sa passion aux clientes et à les transporter pour qu’elles achètent les produits du magasin. Elle continuait secrètement de dessiner et réaliser des croquis en tout genre.

Elle rencontra un jeune homme au cabinet de son père, un militaire qui était promis à un avenir d’homme d’affaires. Il était charmeur, amusant et la jeune Heaven tomba immédiatement sous son charme. Jusqu’à ce qu’il reparte avec son unité à l’armée. Attristée, la demoiselle décida de mettre fin à leur relation.

Elle papillonna gaiment, comme son âge et son insouciance le lui permettaient. Elle travaillait d’arrache-pied, elle multipliait les activités, elle avait toujours besoin de s’occuper sans cesse. Jusqu’à ce qu’elle le rencontre. Cet homme qui sut chambouler son quotidien et la transporter là où personne n’avait réussi. Elle ne se méfiait pas à l’époque, naïve et amoureuse, elle se laissa bercée par cet homme et ses paroles. Il n’était pas le plus attentionné ni le plus romantique mais il savait l’être à sa manière.

Et lors de la catastrophe et de la prise de pouvoir des Keynes, il resta à ses côtés, même en découvrant ses facultés. Il choisit de rester près d’elle et intégra très vite l’Elite de la famille. Il était si proche de la demoiselle depuis des mois. Elle avait pleinement confiance en lui. Toujours aussi enthousiaste et généreuse, Heaven décida de partager son pouvoir avec l’homme qu’elle aimait et elle lui en transmit une partie. Le pouvoir de contrôler, et non de créer, le métal. Un puissant pouvoir qu’il semblait flatté d’acquérir. Comment n’avait-elle pas pu voir que tout n’était que convoitise ? Qu’il parlait avec sa sœur en secret ? Qu’il se moquait d’elle ? Naïve qu’elle était de penser qu’il pouvait l’aimer pour autre chose que pour la famille puissante qu’elle représentait.

Il s’enfuit avec sa jeune sœur, créant ainsi un mouvement de rébellion contre la famille. Il n’avait jamais été pour cette prise de pouvoir et elle n’en avait rien vu. Par sa faute, ces rebelles pourraient disposer du pouvoir de contrôler le feu mais lui aurait celui de contrôler le métal. Un avantage non négligeable dans cette guerre civile. Effondrée, la jeune Heaven s’en voulu longtemps après cette trahison, tentant de se tuer au travail pour oublier.

Grâce à l’argent mis de côté et grâce à une aide de son père, Heaven décida de créer son propre magasin de vêtements pour hommes et femmes. Elle rencontra un certain succès et elle aimait cela. Elle savait que les personnes qui venaient dans son magasin la craignaient mais ils étaient également intrigués et elle pouvait ainsi faire des affaires. Elle ne mit pas longtemps à se décharger légèrement sur des employées, tout en restant présente pour son magasin, devenu célèbre à Salem. C’est évident, quand on s’appelle Keynes, on a vite fait de se faire connaître. Elle récupéra son appareil photo pour se remettre à cette passion qu’elle avait peu à peu abandonnée. Elle fournissait le journal local de quelques clichés qu’elle prenait dans ses moments libres. Elle décida même de devenir serveuse dans un bar, en tant qu’anonyme. Munie d'une perruque brune, de lentilles et d'un maquillage exagéré, très peu la reconnaissent. Elle est Lynn, la serveuse caractérielle à qui il ne vaut mieux pas pincer les fesses en passant. Elle fait sa propre loi dans ce bar, bien qu’elle n’en soit pas la propriétaire. Elle aime vivre parmi le peuple tout en restat distante avec lui la journée. Elle se forge une double personnalité petit à petit, une seconde vie. Elle décida aussi de s’initier aux sports de combats pour se défouler et évacuer la colère qu’elle a emmagasinée.

Elle veut se battre contre les rebelles et les empêcher de renverser le pouvoir instauré par sa famille. Elle est prête à tout pour cela. La jeune demoiselle ressent l'absence de sa soeur pourtant, elle lui manque énormément, elle reste perdue par cette trahison mais elle sait ce que les paroles de Wade peuvent faire.

Aujourd’hui encore, la vie risque de lui jouer quelques tours.